Un plan d’action : exigeons de meilleures bibliothèques
R. David Lankes, « Un plan d’action : exigeons de meilleures bibliothèques », Exigeons de meilleures bibliothèques (édition augmentée), Les Ateliers de [sens public], Montréal, isbn:978-2-924925-09-6,
http://ateliers.sens-public.org/exigeons-de-meilleures-bibliotheques/chapitre8.html.
version 1, 28/10/2019
Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0)
On dit qu’il ne faut pas rassembler les troupes s’il n’y a pas d’ordre de marche à donner. Autrement dit, je peux bien dans ce livre vous dire quoi attendre des bibliothèques, mais sans plan d’action pour vous y amener, cela est quelque peu futile. Vous vous souvenez peut-être que plus tôt dans le livre, j’ai affirmé que les mauvaises bibliothèques développent des collections, que les bonnes bibliothèques développent des services, et que les meilleures bibliothèques développent des communautés. Cela constitue un très bon point de départ pour un plan d’action et vous oriente sur ce qu’il faut faire si vous avez une mauvaise, une bonne ou une excellente bibliothèque.
Un plan d’action pour de meilleures bibliothèques
Certains parmi vous ont déjà des bibliothèques et des bibliothécaires qui dépassent les attentes. Merveilleux ! Votre plan d’action est donc simple : soutenez-les ! Il ne s’agit pas ici seulement d’argent, mais aussi de leur permettre de faire entendre leur voix, de partager les rêves que vous avez pour eux ou elles, et de vous investir complètement. Vous devez faire savoir que votre bibliothèque est bien vivante et qu’elle est plus que ce à quoi les gens s’attendent.
Beaucoup de personnes pensent que l’ère des bibliothèques est révolue. J’ai parlé à un membre du conseil d’administration qui adore sa bibliothèque, mais qui me confiait que chaque fois qu’il mentionnait à quelqu’un son rôle, on lui faisait un commentaire désolé du type « Ah, c’est dommage ce qui arrive aux bibliothèques ». On entend fréquemment ce genre de propos et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai écrit ce livre. Quand on me demande ce que je fais et que je réponds « Je suis professeur de bibliothéconomie », on me dit : « Oh, j’aime les livres moi aussi ! » On me répond aussi parfois avec moins de tact : « On a encore besoin de bibliothèques ? » Si nous aimions nos bibliothèques et qu’elles répondaient à nos besoins, nous devrions répondre du tac au tac et dire tout de suite comment nous les soutenons.
Je crois que bon nombre de ces points de vue peu favorables sur les bibliothèques proviennent d’expériences avec des bibliothèques qui, dans le passé, ont placé nos attentes trop bas. Eli Neiburger (un expert en jeux vidéo) a dit un jour que pour les adolescent·e·s, la bibliothèque est un « dépréciateur net de capital social ». Selon lui les ados à la bibliothèque font profil bas et espèrent juste ne pas y être vu·e·s. Pour eux la bibliothèque n’est ni cool, ni amusante, ni utile. Mais Eli et la bibliothèque du district d’Ann Arbor ont changé tout ça. Eli a lancé un tournoi de jeux vidéo à la bibliothèque, qu’il a coorganisé avec des ados. Une fois par mois, des ados des environs se disputent la première place dans ces compétitions de jeux par exemple avec Mario Kart sur la console Wii.
Eli n’a pas simplement fourni un local et une console. Il a créé, pour ce tournoi, une émission de télé (du même genre qu’on trouve sur le réseau d’émissions sportives ESPN), accessible sur le Web : après le tournoi, les résultats y étaient publiés. Cette initiative a eu comme résultat que les adolescent·e·s qui affluaient à la bibliothèque pour le tournoi utilisaient également le site Web pour montrer leurs exploits à leurs ami·e·s. Le jeu a transformé la bibliothèque qui est passée de « dépréciateur social » à « générateur de capital social ». Il a élevé les attentes des adolescent·e·s à l’égard de la bibliothèque et la communauté s’est mobilisée pour l’appuyer.
Pourquoi y a-t-il des jeux vidéo à la bibliothèque ? Parce que, comme vous le dira tout·e bon·ne bibliothécaire, le jeu est au cœur de la vie et de l’apprentissage des ados — de tout le monde, en fait. Les enfants apprennent à lire en jouant. Les ados apprennent à résoudre des problèmes par le biais de jeux. Les étudiant·e·s universitaires étudient pour obtenir des emplois dans l’industrie du jeu. Les adultes utilisent les jeux pour rester mentalement actifs. Les communautés à travers le pays ont adopté le jeu comme moyen de socialiser (qui n’a jamais joué au « Scrabble » ?), de se détendre et d’apprendre. Les meilleures bibliothèques ont compris cela ; les mauvaises bibliothèques ne pensent qu’à offrir « Pizza, pizza, pizza, livre ! »
Cette citation est tirée d’une vidéo hilarante qu’un groupe de bibliothécaires a réalisée
sur l’art d’attirer les étudiant·e·s de niveau universitaire dans la bibliothèqueVoir la vidéo parodique de The Engaging Ones - ILEAD U Project (2011, 4min25s) :
. Ils et elles ont fait cette capsule vidéo pour montrer que l’apprentissage ne passe
pas uniquement par les livres. Quand on offre de la nourriture, des jeux, des clubs
de tricot ou des imprimantes 3D en bibliothèque, ce n’est pas pour attirer le public
et l’obliger à emprunter un livre. Ce sont des moyens de faciliter l’apprentissage,
pas de simples stratégies de marketing.
Vous devriez vous attendre à ce qu’une excellente bibliothèque cherche des moyens novateurs de soutenir l’apprentissage. Une telle bibliothèque devrait provoquer et stimuler les échanges. Les bibliothécaires devraient s’attendre à ce que vous preniez part aux conversations. Ils et elles devraient s’attendre à ce que vous vous questionnez sur les services offerts à la bibliothèque, et vous devriez vous attendre à ce qu’ils et elles fassent plus que du « marketing » ou de simplement faire du « copier-coller » ce que font les autres bibliothèques.
Certes, les meilleures bibliothèques ont besoin de financement. On ne peut s’attendre à ce qu’une bibliothèque demeure excellente tout en y réduisant le personnel et en y remplaçant les bibliothécaires professionnel·le·s par des commis. Cependant, vous devriez vous attendre à ce qu’une bibliothèque de qualité mérite les budgets qui lui sont accordés et les justifie. Pendant la Grande Dépression des années 1930, par exemple, le budget de la New York Public Library a augmenté. Pourquoi ? Parce que la ville s’est aperçue de la valeur d’une bibliothèque qui s’ajuste à sa communauté, ici dans le besoin, et qui offre des services éducatifs, de formation continue et des services sociaux.
Un plan d’action pour les mauvaises bibliothèques
Soyons clairs. Ce n’est pas la taille de la collection d’une bibliothèque qui fait en sorte qu’elle est mauvaise ou non. Les mauvaises bibliothèques peuvent avoir d’énormes ou de petites collections. Les meilleures bibliothèques peuvent aussi avoir de grandes ou petites collections (ou même aucune). Cependant, les mauvaises bibliothèques définissent leurs collections comme étant constituées de ce qu’elles achètent et prêtent. Les meilleures bibliothèques considèrent que la communauté en elle-même est sa collection. Les livres et les articles de revues ont une valeur fantastique, mais une communauté n’est-elle pas beaucoup plus riche, variée et forte ?
La vraie collection d’une bibliothèque est constituée de grands-parents, d’enseignant·e·s et d’élèves. Dans la sphère publique, la collection-communauté est constituée d’enfants dont l’imagination n’est pas encombrée par les réalités quotidiennes du lieu de travail. Au cours du siècle dernier, l’espérance de vie aux États-Unis est passée de 47 à 77 ans. Les collections sont aussi formées de personnes âgées qui désirent partager gratuitement leur mémoire pour la postérité : ces personnes forment un océan d’expériences et de talents débridés.
Dans les écoles, la véritable collection ne se trouve pas sur les rayons de la bibliothèque, mais bien dans la salle de classe. D’un côté, il y a le sincère désir apprendre des élèves et, de l’autre côté, la sagesse et la patience des enseignant·e·s. Infirmières, enseignants en art, entraîneuses, athlètes, gestionnaires et parents font partie de la riche collection de la communauté de l’école.
Dans les universités, où l’accent est mis sur la découverte de nouvelles connaissances et la préparation pour le marché du travail, la collection s’étend à l’ensemble de l’établissement, des chercheur·e·s qui percent les mystères de l’univers jusqu’aux chargé·e·s de cours qui divulguent tous leurs secrets aux étudiant·e·s. La collection s’étend même à la communauté des diplômé·e·s et aux responsables de l’entretien des terrains, tous et toutes travaillant vers un même but : pousser les connaissances produites au sein de la société vers de nouveaux sommets.
Et puis, en entreprise, quelle collection de livres ou de magazines pourrait rivaliser avec toutes les connaissances des ingénieur·e·s, des avocat·e·s ou des médecins ?
La communauté est la véritable collection. Les mauvaises bibliothèques doivent consacrer beaucoup moins de temps à bâtir des collections de livres et beaucoup plus de temps à tisser des liens avec leur communauté. Une mauvaise bibliothèque parle de développer des collections pour la prochaine génération ; les meilleures bibliothèques savent que leur valeur réside dans leur capacité à répondre aux aspirations de leurs communautés, ce qui comprend de transmettre leur patrimoine. Les mauvaises bibliothèques cherchent à établir des liens entre les documents de ses collections, tandis que les meilleures bibliothèques visent à établir des liens entre les personnes.
Ce n’est pas la qualité de l’immeuble ou son état qui constitue une mauvaise bibliothèque. Il y a une fantastique bibliothèque au cœur de l’ambassade des États-Unis à Rome qui, tout en n’étant guère plus qu’un ensemble de bureaux, sert efficacement les diplomates partout en Italie et dans le monde. J’ai visité de fabuleux bâtiments de bibliothèque où l’architecture même dégage une forme d’intelligence et invite à la vénération ; on y entre comme dans un temple, mais elles sont souvent vides parce que la communauté ne sait même pas qu’elles existent.
Une mauvaise bibliothèque se servira du piètre état du bâtiment comme une excuse. On pourra aussi faire valoir que le public, les étudiant·e·s et les professionnel·le·s afflueront à la bibliothèque lorsqu’elle aura un meilleur stationnement ou une plus grande quantité de livres — et c’est vrai. Durant les premières semaines suivant l’ouverture d’un nouveau bâtiment, il sera rempli de curieux. Toutefois, ce sont les services, les bibliothécaires et les partenariats tissés avec les membres qui, en fin de compte, permettront d’en accroître la fréquentation dans la durée. Il faut construire une nouvelle bibliothèque parce que l’ancienne est trop petite pour accommoder la communauté, et non parce qu’elle est trop petite pour entreposer des documents.
J’ai fait partie du conseil d’administration d’une bibliothèque publique. Il y a quelques années que la bibliothèque centrale avait été déplacée d’un ancien bâtiment Carnegie vers un nouveau centre commercial du centre-ville. Cette relocalisation faisait partie de la stratégie du conseil municipal qui visait à faire revenir les membres de la communauté au centre-ville. Lorsque j’ai rejoint le conseil d’administration, une dizaine d’années plus tard, le centre commercial était en très mauvais état et le nombre de visites à la bibliothèque diminuait. Le directeur de l’époque, qui est entré en fonction bien après le déménagement, ne cessait de parler d’un manque de stationnement, même si le garage sous le centre commercial avait plus d’espace que l’ancien bâtiment Carnegie. Le directeur disait que le déclin de l’utilisation était dû au fait que l’accès à la bibliothèque était compliqué : les gens devaient entrer dans le centre commercial et prendre l’ascenseur pour s’y rendre.
Le directeur adjoint du comté, qui a joué un rôle déterminant dans le déménagement de la bibliothèque, a perdu patience devant cette argumentation. Il apporta à la réunion du conseil d’administration de la bibliothèque une série de tableaux sous forme d’affiches montrant l’augmentation de l’utilisation de la bibliothèque après le déménagement. Il a ensuite montré comment la diminution des services et du budget de la bibliothèque, pendant une récession, avait été les premières raisons du déclin de son utilisation. Il expliqua avec clarté qu’il n’y avait pas eu d’augmentation des visites une fois que l’économie s’était améliorée, et ce, après l’arrivée du nouveau directeur de la bibliothèque. Ce fut une démonstration frappante : lorsqu’on s’attend à plus d’une bibliothèque, cela implique d’éviter les excuses faciles par une meilleure utilisation des données.
Voilà qui est bien, mais comment changer les choses ? Tout d’abord, réalisez que les gens aiment les bibliothèques, même les mauvaises. Pour certains membres de la communauté, l’idée qu’il y a des « mauvaises » bibliothèques est une sorte d’agression. L’amour infini des bibliothèques existe partout. Les gens les apprécient mais ne les utilisent pas, ou bien ils et elles les utilisent sans les mettre au défi d’êtres meilleures et de justifier leurs prises de décisions. Une grande bibliothèque publique urbaine avec laquelle j’ai travaillé offrait plus de 20 000 activités par année : des heures du conte pour enfants et des séries de conférences avec des auteur·e·s de renommée mondiale, par exemple. Pourquoi 20 000 ? 10 000 activités n’auraient pas suffi ? Combien de personnes ont bénéficié de ces programmes ? Comment l’impact des activités a-t-il été évalué ? Ces activités formaient-elles un programme cohérent ? Et, de quelle façon étaient-elles reliées à la mission de la bibliothèque ?
En tant que membre de la communauté, vous devez, suivant les paroles de Saint Paul, « examiner toutes choses et ne retenir que ce qui est bon » (Saint Paul 1910). Remettre en question quelque chose, ce n’est pas supposer que quelque chose est fautif, mais en évaluer la performance. Nous serions horrifiés si nous allions chez le ou la médecin et qu’il utilisait des sangsues pour nous saigner lorsque nous avons la grippe ! Les outils et les méthodes changent et pourtant la profession, sa mission et ses valeurs perdurent. Demander pourquoi une bibliothèque offre des services de référence, pourquoi son budget de collection doit être augmenté, ou quelles sont les retombées d’une heure du conte sont des questions légitimes. Les bibliothèques qui excellent accueillent ce genre de questionnement avec plaisir parce qu’elles y voient une occasion de montrer leur valeur.
Voici donc votre plan pour effectuer un virage vers une meilleure bibliothèque.
Perfectionnez-vous
Ce livre est court. Il a été écrit pour les personnes occupées. Je vous ai donné des informations et des exemples : faites un suivi. Identifier les meilleures bibliothèques, non pas pour les copier, mais pour vous en inspirer. Il existe d’excellentes bibliothèques et de très bon·ne·s bibliothécaires. Voici un fait intéressant à leur sujet : ces artisan·e·s maintiennent un échange constant et soutenu avec leurs communautés et une grande partie de leur travail est bien documentée et facilement accessible.
Amusez-vous
Comme je l’ai dit, chaque communauté est unique. Pour cette raison, une excellente bibliothèque ne se contente pas de récupérer une idée de service d’une autre bibliothèque et de la mettre en place sans tenir compte des conditions locales. Il faut réaliser que le jeu occupe une place importante chez les meilleures bibliothèques. Le personnel qui y travaille a le temps d’expérimenter et de tester de nouvelles idées. Certaines bibliothèques ont des journées collectives d’exploration du Web où les membres du personnel se réunissent, cherchent de nouvelles idées, et trouvent des liens et de nouveaux outils que tous et toutes peuvent essayer. Vous devriez vous attendre à ce que les bibliothécaires explorent différents services sur le Web, ne serait-ce que pour y jeter un coup d’œil. C’est ce que font les bonnes bibliothèques, mais les meilleures bibliothèques invitent aussi le public à se joindre à ce genre d’activité.
La bibliothèque DOK de Delft, aux Pays-Bas, est mondialement connue pour être l’une des bibliothèques les plus innovantes au
monde. Ses bibliothécaires offrent régulièrement leur espace à des expositions d’art
et des activités de technologie interactiveDOK est l’acronyme de De Discotake, Openbare bibliotheek en het Kunstcentrum, soit en français « Discothèque, bibliothèque et centre d’art ».
. D’autres bibliothèques invitent des détaillant·e·s d’appareils électroniques comme
Best Buy à faire essayer les gadgets les plus récents et les plus intéressants aux
bibliothécaires et à la communauté.
La bibliothèque de l’Université de Syracuse a organisé une série d’événements sur les outils d’enseignement où, pendant une journée, les professeur·e·s, les étudiant·e·s et les bibliothécaires sont venu·e·s se renseigner sur les nouvelles méthodes d’enseignement et les nouveaux outils pédagogiques. Il ne s’agissait pas de conférences ou de courtes démonstrations : de petits groupes formés de professeur·e·s et de personnel de bibliothèque ont pu essayer ce qui était présenté et ainsi partager leurs expériences. Les meilleur·e·s bibliothécaires n’ont pas peur de montrer qu’ils et elles peuvent apprendre eux et elles aussi. Ils et elles n’ont pas peur d’apprendre des autres, même d’un·e enfant de neuf ans. Il est important d’ailleurs de préciser ici que sans d’excellent·e·s bibliothécaires, il est impossible d’avoir d’excellentes bibliothèques !
Les meilleur·e·s bibliothécaires expérimentent souvent de nouveaux services et n’ont pas peur de l’échec. Il existe une différence entre échouer et faire une erreur. Une erreur se produit lorsque vous faites quelque chose qui tourne mal et que vous n’en tirez aucune leçon (donc, vous la répétez souvent). Un échec est quelque chose que vous essayez, qui est quelque peu au-delà de vos compétences, mais dont vous tirez un enseignement qui vous permettra de faire mieux la prochaine fois. Si vos bibliothécaires n’essaient pas de nouvelles choses et ne repoussent pas leurs limites, ou s’ils ou elles ont peur d’essayer quelque chose parce qu’ils ou elles pourraient échouer (ou pire, parce qu’ils ou elles craignent d’être victimes d’une mauvaise gestion qui ne récompense que le succès et non l’apprentissage), ils et elles n’apprendront pas !
Si une bibliothèque ne peut mettre en marche un nouveau programme qu’après la formation d’un comité et un processus de planification de trois mois (par exemple, pour commencer un programme de jeu pour une bibliothèque de taille importante ou pour accepter des aliments en conserve plutôt que de l’argent pour effacer les frais de retard des membres d’une bibliothèque de petite taille) alors vous tuez l’innovation et votre bibliothèque ne sait que faire de l’apprentissage et du jeu.
Comparez-vous
Cela dit, il y a un moment où le jeu doit prendre fin et où les expériences doivent se convertir en services fiables. Pour ce faire, il faut évaluer la résultante espérée du service, décidée en collaboration entre la bibliothèque et la communauté. Il faut établir des points de comparaison réalistes et fiables qui doivent avoir un sens pour la collectivité et qui puissent être examinés par la communauté. À titre d’exemple, un service a-t-il besoin d’un certain nombre d’utilisations pour être justifié ? Est-il plus important de bâtir la réputation de la bibliothèque à l’externe pour mettre en place ce service ?
Veuillez noter, toutefois, qu’il ne suffit pas d’aligner des nombres et des statistiques pour établir les points de comparaisons. Ces derniers doivent être négociés et signifier quelque chose de tangible. Les bibliothécaires et les membres de la communauté doivent fixer un résultat souhaité, puis déterminer ensemble comment et avec quelles variables ils et elles pourront évaluer si le résultat est atteint. Il peut s’agir d’un indicateur numérique (par exemple, le nombre de personnes qui viennent à la bibliothèque), mais il peut aussi s’agir de témoignages recueillis dans la communauté, de conclusions provenant de groupes de discussion, ou d’un rapport d’observation des interactions dans les bibliothèques ou dans d’autres espaces communautaires. L’argument de base ici, c’est qu’il n’y a plus de normes universelles qui suffisent à définir ce qu’est une excellente bibliothèque. Le nombre de visites à la bibliothèque, par exemple, n’est pas intéressant si le résultat que l’on vise est l’apprentissage à la maison. Le nombre de prêts peut être non significatif si les bibliothèques offrent un accès sur place à des imprimantes 3D, des instruments de musique ou des métiers à tisser. Les excellentes bibliothèques et les meilleures communautés cherchent à maximiser leur impact, et non à énoncer des statistiques.
Faites confiance à votre expertise (mais restez ouvert·e·s)
Vous ne devriez pas avoir à devenir bibliothécaire pour comprendre la valeur d’une
bibliothèque. Attendez-vous à ce que vos bibliothécaires comblent le fossé entre leur
monde et le vôtre. Je dis souvent que « Les technicien·ne·s ne disent jamais non,
mais ils ou elles vous inondent de jargon technique jusqu’à ce que vous partiez »
(« Eh bien, je peux changer ce logiciel sur votre machine, mais je devrai alors faire
une exception au pare-feu pour permettre une connexion HTTPS ou un tunnel à travers
le VPN pour vérifier la signature du code… »). Les bibliothécaires peuvent faire pareil
(« Eh bien, je peux corriger l’orthographe de votre nom de famille sur la notice MARCEn savoir plus sur la notice MARC (MAchine-Readable Cataloguing).
, mais je devrai ensuite l’uniformiser dans tout notre module de catalogage du SIGBEn savoir plus sur le Système Intégré de Gestion de Bibliothèque (SIGB).
, et l’envoyer à OCLCLa Online Computer Library Center (OCLC) est une organisation créée en 1967 rassemblant
des bibliothèques du monde entier et leur offrant un ensemble de services, d’outils
et de formations. Elle est à l’initiative de la mise en ligne et du maintien du catalogue
Worldcat. En savoir plus.
pour qu’il corresponde à la liste d’autorité maintenue par BAnQEn savoir plus sur Bibliothèque et Archives Nationales du Québec (BAnQ).
… »).
J’ai déjà vu un bibliothécaire résistant au changement utiliser cette technique lors
d’une séance d’un conseil d’administration afin de contrer un membre de ce conseil.
Celui-ci voulait savoir pourquoi les livres de cuisine se trouvaient au même endroit
que les livres sur l’entreprenariat. Ce n’est pas seulement bizarre disait-il, c’est
même ennuyeux de se retrouver en consultation avec un bibliothécaire à propos des
plans d’affaires ou des codes fiscaux, et d’être interrompu par quelqu’un qui cherche
une recette de tarte au citron. Le bibliothécaire lui répondit froidement ceci : « Ils
sont ensemble dans le système décimal de Dewey », ce qui était vrai au moment où les
livres ont été mis sur les rayons. Pourquoi ? Parce que Dewey voyait l’économie domestique et la cuisine comme l’équivalent féminin de l’entrepreneuriat…
Vous ai-je dit que Dewey était misogyneEn 1905, Melvil Dewey fut notamment relevé de ses fonctions à l’American Library Association (ALA) - organisme qu’il avait contribué a fondé en 1876 - après avoir eu des comportements
inappropriés avec plusieurs collègues femmes. Lire aussi « Bringing Harassment Out of the History Books » (2018).
?
Affaire classée, n’est-ce pas ? Pas vraiment. Même si les indices de classification de Dewey sont ainsi faits, il n’y a rien qui vous oblige à les respecter. Vous pouvez mettre les livres de cuisine où vous voulez, tant que les membres sont en mesure de les trouver. Même Dewey serait d’accord !
C’est vous qui connaissez le mieux vos besoins et qui détenez l’expertise de la communauté à laquelle vous appartenez. Soyez-en assuré ! Si quelque chose vous paraît insensé, demandez pourquoi. Si vous obtenez une réponse qui n’a pas de sens, demandez pourquoi à nouveau (et réitérez, s’il le faut). Les bibliothèques sont là pour vous rendre plus intelligents, alors si elles vous donnent l’impression d’être stupides, quelque chose cloche.
Si, comme nous l’avons déjà noté, les moments de jeu doivent se convertir en de rigoureux points de comparaison, votre point de vue personnel doit être ouvert au point de vue des autres. En effet, les communautés sont des ensembles riches, mais aussi très complexes. Il peut exister des conflits entre les volontés d’un groupe et les besoins d’un autre groupe. Une bonne bibliothèque agit en médiatrice entre les opinions divergentes afin de trouver un terrain d’entente. Prenons le service Freegal que j’ai mentionné précédemment (téléchargement de fichiers MP3 pour usage personnel aux frais du contribuable). Je connais beaucoup d’excellentes bibliothèques qui offrent ce service, même si elles ne croient pas qu’il s’agit de ce qu’il y a de mieux pour leur collectivité. Elles le font parce qu’elles estiment que la communauté a pris une décision éclairée et que, même si ce service ne bénéficie pas à l’ensemble de la communauté, il a une grande valeur pour une partie de la population. Ce qui, en retour, permet à la bibliothèque d’investir dans d’autres ressources et services.
Visitez
Je n’ai pas encore trouvé de bibliothécaire de qualité qui n’aime pas mettre en évidence ses talents. Ce sont des enseignant·e·s né·e·s et leur éthique en matière de service implique que si ils ou elles peuvent partager quelque chose pour vous aider, ils ou elles le feront. Prenez le temps de voyager et de voir d’autres bibliothèques. Allez chercher des idées, voyez ce qui fonctionne, parlez aux bibliothécaires et à leur communauté. Mais surtout, parlez aux bibliothécaires. Il faut non seulement admirer l’architecture et s’informer de l’achalandage de la bibliothèque, mais il faut aussi s’informer des processus de décision et de gestion qui ont permis cette situation.
Par exemple, il existe ce qu’on appelle la référence virtuelle dans les bibliothèques.
Par le Web, vous pouvez poser des questions aux bibliothécaires, et ces bibliothécaires,
en temps réel ou par courriel, vous aideront à trouver la réponseEn savoir plus sur le service de référence virtuel.
. Il y a quelques années, ce service était tout nouveau dans les bibliothèques et
on faisait des conférences sur le sujetLe 9 avril 2010, la BAnQ accueillait la Journée d’échanges sur la référence virtuelle coopérative organisée par le Groupe de travail des bibliothèques publiques.
. Il existait alors une certaine pression des pair·e·s pour démarrer ce type de serviceVoir l’exemple des bibliothèques universitaires québécoises (REFD 2006).
.
Introduction à la référence virtuelle coopérative par le bibliothécaire Joseph Blonde (2010, 59min22s)
Présentation de Joseph Blonde, bibliothécaire à l’Université de Concordia, à l’occasion de la Journée d’échanges sur la référence virtuelle coopérative (BAnQ, 9 avril 2010).
Crédits : Joseph Blonde, BAnQ
Proposé par editeur le 2019-10-28
Lors d’une de ces conférences, j’ai parlé avec une bibliothécaire et je lui ai demandé comment sa bibliothèque comptait s’y prendre pour mettre en place le service de référence virtuelle. Un peu penaude, elle m’a répondu que sa bibliothèque ne comptait pas offrir la référence virtuelle. Je lui ai demandé de me décrire sa bibliothèque. « C’est un petit collège de femmes dans le nord-est des États-Unis. C’est le genre d’endroit où, à 9 heures du soir, les étudiantes marchent les 6 mètres qui séparent leur dortoir de la bibliothèque en pyjama pour étudier ».
Je lui ai dit : « Ne vous lancez jamais dans la référence virtuelle ! » À l’époque, tout le monde voulait offrir la référence virtuelle, mais dans ce cas, il fallait voir au-delà de la pression des pair·e·s pour répondre adéquatement aux besoins de la communauté.
Je sais que cela peut sembler très exigeant à plusieurs d’entre vous d’étudier les bibliothèques. Si vous avez lu ce livre jusqu’ici, vous êtes probablement déjà enclins à le faire, mais tout de même, pourquoi se donner la peine de visiter d’autres bibliothèques ? Parce que tout être humain a de la difficulté à décrire ce qu’il veut, s’il ne fait pas référence à quelque chose de connu. C’est ainsi que nous construisons la connaissance : nous l’érigeons sur ce que nous savons déjà. Plus cette base est riche, plus les connaissances seront riches.
Cette façon de procéder m’a été expliquée avec beaucoup d’éloquence lors d’une conversation que j’ai eue avec Cindy Granell, bibliothécaire dans une école primaire, à propos de son conseil scolaire et de leur connaissance de ce qu’est une bibliothèque. L’âge moyen des membres des commissions scolaires aux États-Unis se situe entre 40 et 59 ans. Prenons l’exemple des membres du conseil scolaire âgé·e·s de 40 ans. Si vous faites un petit calcul, vous réalisez rapidement que la dernière fois qu’ils ou elles ont utilisé une bibliothèque d’école primaire était dans les années 1980… avant le Web et avant que la plupart des gens aient des ordinateurs personnels (quand le coût moyen d’un ordinateur approchait les 5 000$ US). À l’époque, les bibliothèques scolaires étaient des endroits où les livres étaient l’outil de base avec lequel les bibliothécaires devaient travailler. Aujourd’hui, les animations en bibliothèques scolaires portent, entre autres, sur la cyberintimidation, l’évaluation de l’information, la façon de faire des recherches dans les bases de données et les techniques de recherche. À l’ère du iPad et de Facebook, ces bibliothécaires disposent de 18 heures par an (30 minutes une fois par semaine) pour aider les enfants à améliorer leurs compétences en lecture et à mieux utiliser l’information. Si ces membres du conseil d’administration ne mettent jamais les pieds dans la bibliothèque, comment le sauraient-ils ?
Cette problématique ne concerne pas seulement les écoles primaires. De nombreuses études montrent que les nouveaux et nouvelles chercheur·e·s sont principalement influencé·e·s par leur directeur ou directrice de thèse ou leur mentor·e lorsqu’il s’agit d’utiliser des technologies de l’information et des ressources d’information. Cela signifie que la plupart des chercheur·e·s sont éloigné·e·s d’au moins une génération de la pratique actuelle dans le domaine. S’ils et elles ne sortent pas de leur bureau pour explorer les nouvelles façons de faire, comment les chercheur·e·s d’aujourd’hui pourraient-ils et elles savoir à quel point ils et elles peuvent améliorer leurs recherches ?
Créez des forums
L’une des choses les plus (tristement) drôles que j’ai vues dans une bibliothèque s’est produite lorsque des étudiant·e·s ont protesté contre le plan d’entreposage hors site proposé par l’Université de Syracuse. Les étudiant·e·s diplômé·e·s se sont rassemblé·e·s au premier étage de la bibliothèque, en colère et prêt·e·s à distribuer des tracts au sujet de la bibliothèque… sauf qu’ils et elles n’avaient pas apporté suffisamment d’exemplaires. Les bibliothécaires les ont donc aidé·e·s à faire des copies de leurs tracts. Les étudiant·e·s ont demandé des signatures pour une pétition. Les bibliothécaires ont suggéré qu’ils et elles pourraient aussi faire la pétition en ligne et ont montré aux étudiant·e·s comment faire. Quand les manifestant·e·s ont eu faim, les bibliothécaires les ont orienté·e·s vers le café de la bibliothèque.
Les bibliothécaires ne se sont pas joint·e·s à la manifestation : ils et elles n’étaient pas du tout d’accord avec sa raison d’être. Par contre, sachant que leur mission n’était pas de couper court à la conversation, mais plutôt de la faciliter, c’est ce qu’ils et elles ont fait. Les bibliothécaires ont également pris soin d’expliquer leur point de vue aux manifestant·e·s (leur indiquant notamment que l’espace libéré par le projet contesté était le même espace qu’ils et elles utilisaient maintenant pour protester). En tant que professionnel·le·s, ils et elles ont fait leur travail en ont maintenu les échanges avec les étudiant·e·s.
Comment interagissez-vous avec votre bibliothèque ? Avez-vous une boîte de suggestions et de commentaires ? Que faites-vous avec ce qui y est déposé ? Qui s’en occupe ? Est-ce uniquement les bibliothécaires ? Est-ce que la bibliothèque organise des groupes de discussion autour des suggestions qu’elle recueille ? Est-ce qu’il y a des réunions publiques du conseil d’administration permettant de vous tenir informés des problèmes avant qu’il ne soit trop tard ? La bibliothèque dispose-t-elle de comité(s) consultatif(s) ? Je suis toujours étonné que les bibliothécaires publics se demandent pourquoi les adolescent·e·s ne viennent jamais en grand nombre à la bibliothèque alors que la bibliothèque n’a jamais jugé important de mettre un ado au conseil d’administration, ou même de créer un conseil d’administration pour les services aux adolescent·e·s. Votre bibliothèque dispose-t-elle d’activités où chacun apporte sa « boîte à lunch » et où les bibliothécaires et la communauté peuvent se réunir pour écouter des conférences (en personne ou en ligne) et échanger par la suite ? Combien de fois avez-vous rencontré un·e bibliothécaire pour discuter sérieusement avec lui ou elle ?
Demandez à voir le « plan de conversation » de votre bibliothèque. Ils ou elles diront probablement ne pas savoir ce que c’est (c’est parce que je viens d’inventer l’expression…). Mais ce sera un excellent point de départ pour parler de la façon dont la bibliothèque échange formellement, régulièrement et de façon accessible avec la communauté. Il ne s’agit pas d’un plan de marketing qui vise à faire savoir à la communauté ce que fait la bibliothèque. Vous devriez vous attendre à ce que les bibliothécaires aient une liste de partenaires (départements universitaires, chambres de commerce, etc.). Il devrait aussi exister un calendrier permettant de s’assurer à ce que ces partenaires soient contacté·e·s régulièrement.
Un bon exemple de ce genre de communications planifiées est celui d’une directrice de bibliothèque universitaire qui visite tous les départements de l’université, chaque année, au moment de l’élaboration du budget. Elle apporte avec elle ses objectifs budgétaires et une liste de revues et bases de données auxquelles la bibliothèque est abonnée, avec les coûts associés. Elle passe ensuite en revue cette liste avec le corps professoral du département, en leur demandant ce qu’il devrait conserver et ce qu’il devrait couper. Les départements se sentent comme s’ils faisaient partie du processus et perçoivent ainsi la valeur directe de la bibliothèque.
Comparez cela à un autre collège avec lequel j’ai travaillé en tant que consultant. La bibliothèque y avait formé un groupe consultatif composé de membres du corps professoral des différents départements. Le sociologue du groupe a commencé à dire à quel point il était injuste que la bibliothèque dépense autant d’argent pour les sciences physiques et pas assez pour les sciences sociales. Le physicien dans le groupe a rapidement rouspété en se disant surpris, car il avait toujours pensé que la bibliothèque ignorait les sciences physiques en faveur des sciences sociales. Comme cette bibliothèque n’avait pas inclus la communauté en amont dans la prise de décision, elle avait non seulement dressé tout le monde l’un contre l’autre, mais elle avait réussi à faire en sorte qu’ils se sentent tous lésés ! Le travail en partenariat exige de la transparence dans la prise de décision, d’une part, et la possibilité pour les partenaires de participer à cette prise de décision, d’autre part. Établir un forum permanent, dont le but est de faciliter les échanges et établir les objectifs de la bibliothèque, est nécessaire.
Cartographiez les conversations
Pour avoir une bonne relation avec sa communauté, il ne suffit pas de dresser la liste des services ou des collections qui lui sont offerts. Ce type de relation ne se mesure pas avec une série de statistiques ou dans un plan stratégique. Elle se mesure par les conversations que la bibliothèque choisit d’engager et de nourrir avec sa communauté.
Vous devriez vous attendre à ce que votre bibliothèque travaille avec la communauté pour identifier une liste d’intervenant·e·s-clés ou de communautés plus petites que la bibliothèque peut ou devrait aider. Dans une institution d’enseignement supérieur, il peut s’agir du corps professoral, des étudiant·e·s, de l’administration ou du personnel de soutien. Dans une école, il peut s’agir des enseignant·e·s, des élèves ou de l’administration. Il est aussi possible d’être plus spécifique : par exemple, dans mon travail avec un cabinet d’avocat·e·s, il a été utile de diviser davantage le groupe en séparant le droit criminel, le droit civil, le droit de l’environnement, le droit fiscal, etc. Le niveau de spécificité peut changer à mesure que l’engagement avec ces groupes augmente.
Une fois que vous avez identifié ces intervenant·e·s-clés, vous devez identifier les problèmes ou les aspirations au sein de ces groupes. Ainsi, les professeur·e·s pourront parler de l’élaboration des programmes d’études, la communauté latino-américaine parlera de développement économique, etc. Ensuite, identifiez et cartographiez chaque élément récurrent pour chacun de ces groupes. Par exemple, l’administration d’un district scolaire a généralement un calendrier établi d’avance pour l’élaboration du budget. Ce calendrier comporte des forums et des étapes de réalisation imposées par l’État. En collaboration avec un groupe représentatif de la communauté et de la bibliothèque, établissez l’ordre de priorité de ces éléments récurrents. Quels sont ceux qui peuvent bénéficier le plus de l’aide de la bibliothèque ? Est-ce que la bibliothèque pourrait être intégrée à certains d’entre eux ? Si oui, de quelle façon ?
Finalement, présentez les services offerts par la bibliothèque et les bibliothécaires.
Essayez de lier chacun des services de la bibliothèque aux éléments identifiés pendant
les conversations avec la communauté. Y a-t-il des éléments importants de cette conservation
qui ne disposent d’aucun service ? Pourquoi ? Cette méthode consiste à intégrer les
services de la bibliothèque dans la communauté, et non d’identifier simplement les
bons coups de la bibliothèque (ou du moins ce qu’elle fait déjà), et d’en tirer le
meilleur parti. Rappelez-vous que la mission de la bibliothèque est d’améliorer la
société, et non d’optimiser l’utilisation des services qu’elle offre déjà. Les bibliothèques
facilitent la création de connaissances : leur valeur n’émane pas des collectionsLe processus pour cartographier les conversations d’une communauté est abordé de manière
plus approfondie dans The Atlas of New Librarianship (Lankes 2011).
.
Plan d’action pour de bonnes bibliothèques
Et qu’en est-il des bibliothèques qui se situent entre les mauvaises et les meilleures bibliothèques ? La différence entre une bonne bibliothèque et une excellente bibliothèque peut être subtile. Il existe plusieurs bonnes bibliothèques. Ces bibliothèques se consacrent à vous rendre heureux et à répondre à vos besoins. Elles disposent des documents les plus récents et les plus variés (livres, DVD, articles de journaux, etc.). Leurs sites Web sont bien organisés et fonctionnels. Elles valorisent le service et répondent aux besoins de leurs membres. Elles ont tendance à recueillir beaucoup de données portant sur leur communauté et ont un marketing actif. De nombreuses communautés estiment que ces bibliothèques répondent à leurs attentes.
Mais si vous voulez voir la différence entre une bonne bibliothèque et une excellente bibliothèque, allez voir une librairie Borders ou un club vidéo Blockbuster. En fait, vous ne pouvez pas ! Ces commerces n’existent plus. Les seuls signaux visibles de leur disparition ont été des affiches à caractère publicitaire : « Vente de fermeture » ou « Escomptes importants ». Mais vous savez ce qu’on voit quand on essaie de fermer une excellente bibliothèque ? Des manifestations et des assemblées publiques en colère. Pourquoi ? Cela nous ramène au tout premier chapitre de ce livre. La raison en est que la bibliothèque fait partie de la communauté. Ce n’est pas juste une excellente collection et des fauteuils confortables. C’est un symbole, une amie et une source d’enseignements.
Soyons honnêtes. Certaines bibliothèques ferment sans qu’on en entende parler. On coupe les budgets des bibliothèques universitaires et on ferme des bibliothèques d’entreprise. On ferme de mauvaises bibliothèques, bien entendu, mais on ferme aussi de bonnes bibliothèques. La différence entre la bonne bibliothèque et l’excellente bibliothèque se situe justement là : une bibliothèque qui cherche à bien servir sa communauté est une bonne bibliothèque, et une bibliothèque qui cherche à inspirer sa communauté et qui veut s’améliorer chaque jour est une excellente bibliothèque. Vous pouvez aimer une bonne bibliothèque, mais vous avez besoin d’une excellente bibliothèque.
Lorsque vous limitez vos attentes envers une bibliothèque à celles d’un fournisseur de produits pour votre consommation de base, celle-ci entre en concurrence directe avec Amazon et Google. Mais si vos attentes sont plus élevées, si vous attendez de votre bibliothèque qu’elle défende vos intérêts vis-à-vis de la complexité de l’infrastructure du savoir, si vous attendez de votre bibliothèque qu’elle soit un centre d’apprentissage et d’innovation, si vous attendez de votre bibliothèque qu’elle vous aide à créer des connaissances et non seulement à accéder facilement aux documents créés par autrui, si vous attendez de vos bibliothécaires qu’ils et elles aient à cœur votre succès, si vous attendez de votre bibliothèque qu’elle soit un troisième lieu qui crée un sentiment d’appartenance à votre communauté, si vous attendez de votre bibliothèque qu’elle vous inspire, vous défie, vous provoque tout en respectant qui vous êtes par-delà votre capacité de payer, dans ce cas vous vous attendez à une excellente bibliothèque. Vous méritez une excellente bibliothèque. Exigez-la !
Contenus additionnels
Version originale en anglais du chapitre 8 : « Action Plan: Expect More »
Cet ouvrage a été écrit et publié en anglais par R. David Lankes (2012, Jamesville, NY: Riland Publishing) avant d’être traduit collectivement, sous la direction de Jean-Michel Lapointe, en français en 2018 (Les Ateliers de [sens public], Montréal).
Crédits : R. David Lankes
Proposé par editeur le 2019-10-28
Déconstruction du chapitre 8 : « Un plan d’action : exigeons de meilleures bibliothèques » (2017, 13min)
Dans cette vidéo, R. David Lankes déconstruit le texte du chapitre 8 « Un plan d’action : exigeons de meilleures bibliothèques » de l’ouvrage Exigeons de meilleures bibliothèques et traite de l’utilisation de ce texte au sein d’une conversation plus large sur les bibliothèques et leurs services.
Crédits : R. David Lankes
Proposé par editeur le 2019-10-28
Références
Ford, Anne. 2018. « Bringing Harassment Out of the History Books ». American Libraries Magazine, juin. https://americanlibrariesmagazine.org/2018/06/01/melvil-dewey-bringing-harassment-out-of-the-history-books/.
Lankes, R. David. 2011. The Atlas of New Librarianship. The MIT Press. https://mitpress.mit.edu/books/atlas-new-librarianship.
REFD. 2006. « Un service de référence virtuelle pour les bibliothèques universitaires québécoises ». CREPUQ. http://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/bs1867818.
Saint Paul. 1910. « Thessaloniciens 5:21 ». In La Bible - Nouveau Testament. Vol. 1. Louis Segond. https://fr.wikisource.org/wiki/Bible_Segond_1910/Premi%C3%A8re_%C3%A9p%C3%AEtre_aux_Thessaloniciens.