Particip-Arc
Une plateforme au service des recherches culturelles participatives
Alexandra Villarroel Parada,
« Particip-Arc », dans
Marta Severo,
Roch Delannay (dir.),
Contribution numérique : cultures et
savoirs (édition augmentée), Les Ateliers de [sens
public], Montréal, 2024, isbn : 978-2-924925-29-4, http://ateliers.sens-public.org/contribution-numerique/chapitre6.html.
version 0, 15/06/2024
Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA
4.0)
Introduction
En 2017, le ministère de la Culture lance un appel à manifestation d’intérêt visant à mettre en avant l’apport des démarches participatives aux projets de recherche culturelle en termes d’innovation méthodologique et scientifique. Une trentaine de chercheurs et de professionnels du secteur se réunissent pour croiser leurs pratiques au sein d’un réseau « Particip-Arc », coordonné par le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN). Le réseau se pose trois objectifs : étudier les dynamiques de recherche participative, comprendre les publics et analyser les outils et l’infrastructure technique de la participation. En 2020, une plateforme numérique collaborative est créée pour mettre en avant les différentes démarches de « recherches culturelles participatives ». Cette contribution présente l’architecture et le fonctionnement de cette plateforme, ainsi que la façon dont elle facilite le travail en réseau, et pour le réseau.
Public, architecture, et règles de fonctionnement
Le réseau Particip-Arc regroupe aujourd’hui 120 personnes aux profils et thématiques d’étude très variés. Ce sont principalement des chercheurs, des collectivités locales, des musées et des associations œuvrant dans le domaine culturel, ou encore des institutions culturelles (BNF, archives, ministère de la Culture…). Les sujets abordés relèvent de la linguistique, l’histoire, la musique, la conservation du patrimoine, l’archéologie, l’architecture, les arts du spectacle, l’ethnologie, les arts plastiques… Dans tous ces secteurs, des démarches participatives liées aux projets de recherche émergent, accompagnées de leur lot de questionnements spécifiques. Le réseau décloisonne ainsi fortement les catégories, les disciplines, mais aussi les approches de la participation. Afin de préciser collectivement ce que l’on entendait par « recherche culturelle participative » (RCP), le réseau choisit de se référer à la définition large et inclusive inscrite dans le rapport « Les sciences participatives en France ». Ainsi, pour les acteurs du réseau, les recherches culturelles participatives se définissent comme « les formes de production de connaissances scientifiques dans les mondes ou les domaines de la culture, auxquelles des acteurs non-scientifiques-professionnels – qu’il s’agisse d’individus ou de groupes – participent de façon active et délibérée ». Rapidement, le réseau se dote d’une plateforme contributive afin de créer une banque de ressources à même de promouvoir les démarches de RCP et d’alimenter les structures et personnes engagées dans ces activités.
La plateforme Particip-Arc s’adresse à deux types de public. D’une part, des citoyens souhaitant s’impliquer sur des projets de recherche culturelle et qui trouvent dans la plateforme un panel d’initiatives à découvrir et dans lesquelles potentiellement s’engager. D’autre part, des acteurs intéressés par les recherches culturelles participatives, telles que définies ci-dessus, en vue d’alimenter leurs pratiques professionnelles. Il arrive que certains de ces acteurs souhaitent rejoindre le réseau et créer un compte sur la plateforme. Nous avons donc un recouvrement entre les périmètres des membres du réseau et des contributeurs de la plateforme.
De façon concrète, la plateforme Particip-Arc se structure autour de trois rubriques. Premièrement, l’annuaire des projets met en lumière la diversité des programmes de recherches culturelles participatives existants au sein du réseau. Ensuite, un centre de ressources propose des contenus pour appuyer les porteurs de projets. Enfin, des actualités et événements sur les projets ou les recherches culturelles participatives au sens large sont mis en avant. Les membres du réseau Particip-Arc disposent en outre d’un accès réservé qui leur permet d’accéder à un annuaire des membres, avec leurs coordonnées et des informations les concernant.
Il convient de préciser que la mise en place des fonctionnalités du portail a été portée par un groupe de travail composé de plusieurs membres afin de s’assurer, notamment du fait de la très grande diversité de disciplines concernées, que les terminologies employées englobaient bien la pluralité des acteurs impliqués. Cette implication des membres a, par exemple, été particulièrement utile lorsqu’il a fallu déterminer une liste de mots clés et de thématiques auxquels rattacher les projets et les différentes publications.
Pour participer au réseau, les personnes intéressées doivent ainsi créer un profil sur la plateforme indiquant leur activité, leurs compétences en lien avec les recherches culturelles participatives, et la façon dont cette thématique raisonne avec leurs activités professionnelles. De la même façon que la définition des RCP se voulait inclusive, la démarche d’adhésion au réseau, et donc d’inscription sur la plateforme, n’est pas restrictive mais permet l’accès à toute personne se reconnaissant dans la démarche de RCP. Les contributeurs de la plateforme, et membres du réseau, entretiennent des liens différents avec les recherches culturelles participatives : par la mise en œuvre au travers d’un projet, en tant que partenaire ou que participant, en étudiant les processus de participation à la production de connaissances nouvelles dans les champs culturels, ou encore en étant « simplement » intéressés par ce sujet. La volonté d’ouverture se traduit par ailleurs dans l’absence de modération dans ces inscriptions au réseau : il n’existe pas de validation des inscriptions. Il sera juste demandé au futur membre, de façon obligatoire, d’exprimer en quelques phrases en quoi il/elle se retrouve dans cette démarche de recherche culturelle participative. Il peut renseigner par ailleurs ses disciplines de travail ou encore les compétences dont il dispose.
Si l’inscription sur la plateforme n’est pas conditionnée à une validation en amont, il existe par contre une modération pour les projets présentés. Le réseau Particip-Arc, récemment créé, porte un enjeu de visibilité sur le sujet des recherches participatives et de clarté dans le message diffusé. Si le fait d’avoir une approche ouverte et transversale des modalités de participation, et leurs champs sémantiques associés (recherches contributives, recherches participatives, co-recherche, sciences participatives…) est assumé, il n’en résulte pas moins la nécessité d’établir certaines limites, au risque de couvrir un périmètre beaucoup trop large, vue la multiplicité des participations possibles au sein des activités culturelles. En cela, le réseau se positionne bien sur le créneau de la recherche, et plus explicitement de la production de connaissances scientifiques, en incluant notamment la création de corpus de données utilisables par la suite pour des recherches, processus très présent dans le domaine des archives (voir par exemple le projet Passeports intérieurs). Ainsi, des initiatives de participation des publics, sans objectif de création de connaissances scientifiques, ne seraient pas incluses dans le périmètre des projets publiés sur la plateforme. L’ensemble des domaines couverts par le ministère de la Culture sont intégrés au sein du réseau et les projets reflètent cette grande diversité : patrimoine, archéologie, architecture-urbanisme, arts visuels et sonores, arts plastiques, cinéma, communication…
Faire réseau : par et hors de la plateforme
Les activités du réseau Particip-Arc ne se limitent pas à l’enrichissement de cette banque d’information sur les RCP. Plusieurs actions ont été mises en place depuis cinq ans pour susciter et structurer les échanges et la production de connaissances. Ainsi, des séminaires en ligne ou en présentiel réunissent régulièrement les membres autour de thématiques communes, telles que la place des territoires dans les RCP, l’articulation entre sciences participatives et musées, ou encore un focus sur les recherches participatives dans le champ artistique. Ces échanges donnent lieu à des productions, sous des formats variés (vidéos, notes de synthèse, édition spéciale d’une revue, etc.) qui viennent alimenter les contenus de la plateforme via l’espace ressource. Les membres se mobilisent également pour proposer des réponses communes à des appels à projet, ou des communications conjointes lors de colloque, marquant ainsi une volonté d’action collective. Ce croisement d’idées, entre acteurs aux profils larges et disciplines diversifiées, génère par la suite de nouveaux projets originaux et innovants.
La plateforme devient ainsi le réceptacle de l’ensemble de ces productions conçues par les membres. Elle compile la matière, les ressources, les activités, autant d’éléments qui circulent et que les membres peuvent utiliser. En cela la plateforme alimente les recherches culturelles participatives, les projets en devenir, et permet de renouveler les pratiques.
Lors de la création de la plateforme, la dimension réseau de cet outil a été pensée pour être vecteur d’interconnexion entre les membres. De façon concrète, l’interface réservée aux membres donne accès à l’annuaire du réseau. L’objectif de cet annuaire étant de faciliter la prise de contact et les partenariats entre membres du réseau. Dans les faits, il n’est pas facile de mesurer comment cette interface interne permet, ou pas, de susciter les prises de contact et il semblerait que les interactions entre membres bénéficient aussi largement des temps de rencontres « physiques » tout autant, voire peut-être plus, que des interactions numériques. Si l’on sait que de nouveaux projets ont émergé grâce au réseau, on tend à croire que ce sont plus les rencontres organisées, physiques ou virtuelles, qui ont permis de générer ces liens, plus que des interactions suite à la rédaction d’une fiche membre sur la plateforme. L’instauration d’une complémentarité entre ces deux modalités de mise en relation des membres est, dans tous les cas, nécessaire.
Par ailleurs, la plateforme ne s’anime pas seule, et il convient de préciser qu’un mi-temps salarié est dédié à la coordination du réseau, comprenant le travail d’animation du portail. Cela se traduit par une sollicitation des membres pour la mise en ligne d’une description de leurs projets, la réalisation d’une veille bibliographique sur les sujets relatifs aux recherches culturelles participatives, la communication ou encore un accompagnement en cas de difficulté technique éventuelle. Cette animation va prochainement être renforcée par l’édition d’une newsletter qui reprendra certains contenus du site, mettant ainsi en lumière ce portail, et incitant le plus grand nombre à y contribuer.
Conclusion
Ainsi, dans le cadre du réseau Particip-Arc et de sa plateforme associée, la contribution numérique des membres (description de projets, ajout de ressources, post d’actualités ou événements) permet de rendre visible et d’accompagner ce secteur original des recherches culturelles participatives. Elle donne corps à une communauté d’acteurs, et facilite la structuration de ce collectif, engagée il y a cinq ans. Ces contributions ne sont toutefois pas toujours spontanées, et le travail d’animation de la communauté est indispensable pour encourager les membres à contribuer.
L’augmentation significative du nombre de membres du réseau, passé de 50 à 120 en 18 mois, traduit un fort dynamisme. Le portail permet de structurer une banque d’informations, projets, ressources, actualités, événements, reliés entre eux par le prisme des recherches culturelles participatives, et incarne la transversalité thématique et méthodologique. La plateforme fait réseau, et le réseau alimente la plateforme. Celle-ci est la face visible de ce collectif, toujours en cours de construction. Elle propose un discours commun sur l’objet qui réunit ces acteurs très variés, un objet d’identification et de communication.
Contenus additionnels
Plateforme Particip-Arc
Accéder à la plateforme Particip-Arc.
Crédits : Réseau Particip-Arc, coordonné par le Museum national d’Histoire naturelle
Notes prises lors du forum
Notes 4. Science participative 2.0 : données de qualité, intelligence collective
Romain Julliard (directeur de recherche, Cesco, MNHN)
Romain Julliard commence par présenter les méthodes et outils pour les sciences participatives et par expliquer qu’un des besoins centraux des sciences participatives relève de données standardisées produites par les contributeurs. Pour ce faire, il présente les méthodes de la science participative 2.0. 1) Les fonctionnalités liées aux données : elles peuvent être visibles de tous, commentables par les participants et/ou modifiables par les auteurs ; 2) Les actions des participants : elles doivent s’inspirer les unes des autres, être basées sur le conseil et l’entraide et enfin contrôlées pour vérifier leur qualité. Cela conduit à des données enrichies, un apprentissage partagé et un sentiment d’appartenance entre les participants. Elle permet également de faire progresser les participants et de les faire contribuer aux règles pour valider la qualité des données.
Dans un second temps, Romain Julliard présente la plateforme Changing Natures. L’idée est de documenter les témoignages du changement de la nature à travers une démarche de science participative et un projet interculturel (franco-allemand-anglais). Le protocole consiste en une gestion participative de la collection (les participants deviennent conservateurs) et la création de récits personnels et collectifs (via des sous-collections).
Des questions relevant de dimensions techniques (interopérabilité, architecture logicielle) et communautaires (comment animer des contributeurs via des animateurs et relais locaux) ont été soulevées.
Notes 16. Réseau Particip-Arc
Alexandra Villarroel Parada (Muséum national d’histoire naturelle)
Alexandra Villarroel Parada rappelle que le réseau Particip-Arc est né sous l’impulsion du ministère de la Culture, comme une stratégie de recherche autour des axes participatifs via AAP. Il réunit les acteurs qui conduisent des recherches culturelles participatives. Il a commencé comme un réseau au niveau institutionnel, avec un financement sur deux ans pour faire des ateliers s’interrogeant sur la notion de recherche culturelle, sémantiquement complexe. Durant la phase 3, il y a une diminution des financements et on s’est intéressé à la question de la pérennisation à travers la création d’une plateforme numérique simple qui répertorie des projets de recherche culturelle participative. Il y avait alors une centaine d’adhérents et des institutions comme des individus.
Un des problèmes soulevés relève du manque de contributeurs, peut-être du fait que la plateforme est aujourd’hui surtout répertoriée comme une plateforme institutionnelle. D’autre part, il y a une diversité de disciplines représentées, avec une unité thématique, mais comme sur Wikipédia la question se pose de savoir si cette plateforme « produit » de la connaissance. Sachant qu’il n’y a pas de protocole scientifique à proprement parler.